Une marée humaine au Portugal contre l'austérité
Place du commerce à Lisbonne, un million et demi de portugais manifestent contre la Troïka et le régime "austéritaire" qui plonge le pays dans l'abîme. Même des militaires se sont joints au défilé.
"Le
gouvernement ne peut gouverner contre le peuple."
Plusieurs
dizaines de milliers de personnes déferlaient samedi à travers le
Portugal contre les mesures d''austérité du gouvernement à l'appel
d'un mouvement citoyen apolitique, en passe de réaliser une
mobilisation de grande envergure.
"La
troïka et le gouvernement dehors", "le Portugal aux
urnes", "élections maintenant", "démocratie
participative", pouvait-on lire sur les banderoles et les
affiches portés par les manifestants.
A
Lisbonne, le cortège des protestataires, fort de plusieurs milliers
de personnes s'est ébranlé vers 16H00 GMT au son de la chanson
"Grândola Vila Morena", reprise en coeur par les
manifestants, la voix tendue d'émotion. Cette chanson est devenue le
symbole de la contestation au Portugal après avoir été l'hymne de
la Révolution des Oeillets de 1974 qui a permis l'instauration de la
démocratie.
Depuis
plusieurs semaines, des contestataires la chantent au passage de
membres du gouvernement et elle est même venue interrompre un
discours au Parlement du Premier ministre de centre droit, Pedro
Passos Coelho.
Elle
devait retentir simultanément dans la trentaine de villes du pays ou
le mouvement apolitique "Que la Troïka aille se faire voir",
comparable aux Indignés espagnols, a appelé à des rassemblements.
Ce
mouvement a pour principale cible l'inspirateur des mesures
d'austérité du gouvernement, c'est-à-dire la "troïka"
(UE-FMI-BCE) représentant les créanciers du Portugal, actuellement
à Lisbonne pour nouvel examen des comptes du pays, sous assistance
financière.
Très
actif sur les réseaux communautaires, le mouvement avait rassemblé
le 15 septembre 2012 des centaines de milliers de personnes à
travers le pays, une mobilisation exceptionnelle depuis la Révolution
des Oeillets.
Se
refusant à tout pronostic sur l'ampleur que la manifestation
pourrait prendre samedi, un des responsables du mouvement, Nuno Ramos
de Almeida estimait "peu important ce genre de comptabilité".
"Ce
qui est important c'est que les gens veulent s'opposer à cette
politique", a-t-il déclaré à l'AFP en ajoutant : "Le
gouvernement ne peut gouverner contre le peuple et je crois qu'il va
tomber". "Une grande manifestation est un signal fort de
mécontentement, et j'espère que le gouvernement en tiendra compte",
estimait de son côté Luis Costa du parti d'extrême-gauche Bloc de
gauche, venu manifester à titre personnel.
Une
mobilisation générale
Des
rassemblements de soutien au mouvement portugais devaient avoir lieu
à l'étranger, Londres, Boston, Paris, Madrid, Barcelone, notamment.
La manifestation de samedi est intervenue alors que la grogne sociale
est à nouveau en hausse contre les mesures d'austérité mises en
oeuvre par le gouvernement de centre-droit, en contrepartie du plan
de sauvetage de 78 milliards d'euros accordé au Portugal par l'Union
européenne et le Fonds monétaire international en mai 2011.
"Le
gouvernement nous vole. Je suis retraité mais cela n'empêche que
l'on me retire beaucoup d'argent", déclarait José Mendes 65
ans.
A
Lisbonne, le défilé était d'autant plus important que de nombreux
militants du principal syndicat portugais, la CGTP, y ont participé.
Le cortège principal a également été rejoint par plusieurs
"marées", c'est-à-dire autant de manifestations
organisées par des enseignants, des professionnels de la santé, ou
des retraités, parmi les plus touchés par les coupes budgétaires.
Même
des militaires se sont joints au défilé qui devait se terminer vers
18H00 gmt sur la majestueuse et monumentale Place du Commerce qui
donne sur le Tage Après avoir procédé l'année dernière à des
baisses des salaires et des retraites, le gouvernement a décrété
cette année une hausse généralisée des impôts et prévoit des
économies supplémentaires de 4 milliards d'euros par le biais d'une
"réforme de l'Etat".
Vivement
critiquée par l'opposition, cette réforme doit être présentée à
"la troïka" des bailleurs de fonds.
A
l'issue de leur examen les créanciers pourraient consentir à un
nouvel allègement des objectifs budgétaires du gouvernement, de
plus en plus difficiles à respecter, alors que l'économie devrait
cette année reculer de 2%, soit deux fois plus qu'envisagé
précédemment, et que le chômage a atteint le taux record de 16,9%.
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